Une communauté végétalienne défie la crise grecque
Source : Reuters
02/09/2012 à 10:32 / Mis à jour le 02/09/2012 à 10:32
Au Mont Telethrion, une communauté autosuffisante à Aghios, sur l'île grecque d'Eubée, au nord-est d'Athènes. La communauté végétalienne compte aujourd'hui entre 15 et 20 enthousiastes, membres à plein temps, et, alors que la crise économique grecque ne cesse de s'aggraver, des dizaines de personnes sont venues se renseigner pour éventuellement les rejoindre. /Photo prise le 23 juillet 2012/REUTERS/Deepa Babington
Il y a deux ans, quand ils ont vu Panos Kantas et trois de ses amis débarquer d'Athènes pour lancer une communauté autosuffisante, vivre dans des yourtes et faire pousser leurs propres légumes, les habitants du village d'Aghios, sur l'île grecque d'Eubée, au nord-est d'Athènes, n'ont pas caché leur surprise.
En Californie ou en Scandinavie, cette initiative n'aurait pas fait autant de bruit. Mais dans un pays où la question écologique n'existe qu'en ville, dans l'arrière-pays grec, très conservateur, elle a éveillé les soupçons des locaux et causé l'hilarité de beaucoup.
Aujourd'hui, ce sont les quatre amis qui rient.
"Il y a encore deux ans, tout le monde pensait que nous étions fous. Mais ce n'est plus le cas", se félicite Panos Kantas, un ancien programmeur informatique âgé de 29 ans qui a cofondé le projet Mont Telethrion. "La crise a validé un constat qui nous semblait évident, et qui l'est maintenant pour tout le monde."
Les débuts sur ce mont abrupt, face à la mer, n'ont pas été évidents, entre le feu de bois pour se tenir chaud l'hiver et l'inquiétude des villageois alentour, qui pensaient qu'ils communiquaient avec l'espace.
Aujourd'hui, la communauté végétalienne compte entre 15 et 20 enthousiastes, membres à plein temps, et, alors que la crise économique grecque ne cesse de s'aggraver, des dizaines de personnes sont venues se renseigner pour éventuellement les rejoindre.
Près de 80% de la nourriture consommée est produite dans le potager, assure Apostolos Sianos, un des quatre co-fondateurs de la communauté, et le groupe obtient le reste en troquant ses produits avec les villageois.
Le but ultime- se passer d'argent- n'est pas atteint puisqu'il faut bien payer l'électricité ou la construction d'une structure destinée aux projets d'agrandissement de la communauté, sur un terrain voisin.
Pourtant, si ce sont des yourtes qui ont été choisies pour vivre, c'est parce qu'il s'agit du seul habitat qui ne nécessitait pas un permis coûteux de la part des autorités locales.
LA CRISE A CHANGÉ LES MENTALITÉS
Il y a dix ans, quand le pays était en plein 'boom' économique, le projet Mont Telethrion n'aurait pas trouvé beaucoup de volontaires, estime Dimitris Ibrahim, coordinateur en Grèce pour Greenpeace.
"A l'époque les gens étaient davantage intéressés par leur bien-être, gagner de l'argent, les marchés financiers. On se serait moqué de ces gens- la société grecque n'était pas prête à entendre ce genre de message", dit-il.
"Aujourd'hui, c'est vraiment pertinent. Cela touche au coeur: n'importe quel Grec connaît quelqu'un qui se tourne vers ce genre de pratique."
Cette communauté fait partie d'une série d'initiatives écologiques qui ont fleuri en même temps que la crise de la dette.
"D'une façon générale, la crise a donné à beaucoup de gens l'occasion de changer leur façon de penser et d'essayer de s'organiser différemment", explique Theocharis Tsoutsos, professeur à l'université technique de Crète et qui étudie les projets à énergie renouvelable.
"Par exemple faire les choses à une plus petite échelle, créer son propre jardin, ou essayer de promouvoir les enjeux écologiques à une petite échelle, ou promouvoir les initiatives agricoles à bas coût."
Yannis Razakias et Maria Eikosipentaki ont ainsi quitté Athènes il y a trois mois pour venir vivre au sein de la communauté. Ce couple a appris l'existence du projet sur internet et y a vu le moyen idéal de tourner le dos à une vie urbaine emplie de stress.
"La crise a clairement joué psychologiquement dans notre décision. Nos clients, nos employeurs, tout le monde parlait de la crise et de comment l'on pourrait s'en sortir", raconte Maria Eikosipentaki, qui était coiffeuse depuis 14 ans.
Néanmoins, la communauté a encore quelques batailles à gagner. Il est ainsi plus difficile de convaincre les villageois des environs du bien-fondé de leur projet que les habitants d'Athènes.
"Ils ne peuvent pas s'en sortir sans argent et avec juste un lopin de terre", estime Stathis Raxiotis, un agriculteur de 65 ans, en buvant son café dans le centre d'Aghios.
"Nous sommes fermiers depuis des décennies", ajoute-t-il. "Nous avons des centaines d'arbres, énormément de terres, mais avec la crise, même nous, nous ne nous en sortons pas tous seuls."
Baptiste Bouthier pour le service français, édité par Julien Dury
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