mardi 26 mai 2015

Maryse Wolinski : " Je vais mal "



Mardi 26 mai 2015

BRIANÇONMaryse Wolinski : 

« Je vais mal »

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Le dessinateur a été abattu un matin de janvier, 

le fusain à la main. Assassiné par les frères 

Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo , 

Georges Wolinski a laissé une œuvre 

inachevée et des phylactères vides à tout 

jamais. Il a surtout laissé une veuve 

déterminée : « je veux connaître la vérité 

sur les attentats ».

La voix douce et fluette, Maryse Wolinski tente de 
reprendre le cours de sa vie. Une vie qui tourne toutefois 
au ralenti depuis qu’elle a perdu son mari. 
« Tout me semble sombre et compliqué » confie-t-elle. 
Attendue ce mercredi 27 mai à Briançon dans le 
lycée que Georges avait fréquenté, Maryse Wolinski 
traverse son temps de deuil avec tristesse, évidemment. 
Avec colère, aussi.
Quatre mois et demi après les attentats et la mort

de votre mari, comment allez-vous ?

Je vais mal. Après 47 ans de vie commune avec un

homme comme Georges, on peut difficilement se remettre

d’une fin si brutale. Il était généreux, amoureux : je ne

sais pas comment continuer à vivre sans son regard.

Nous avions une vie facile, agréable, légère et

aujourd’hui, tout me semble sombre et compliqué.

Au quotidien, je fais comme s’il était parti en vacances…

même si je sais qu’il ne reviendra plus. Je n’ai rien touché

à l’appartement mais je ne vais pas pouvoir y rester.

De toute façon, je n’en ai pas les moyens, je gagne

beaucoup moins d’argent que Georges.

Votre vie privée est désormais cadencée par

des obligations publiques. Pourquoi répondre à

toutes ces sollicitations ?

C’est vrai, je réponds à beaucoup de sollicitations en

France comme à l’étranger et ça me prend beaucoup de

temps. Je le fais pour Georges. Je suis contente pour lui.

Je préfère lui rendre des hommages plutôt que d’aller

chez un psy. Ça me fait du bien de découvrir la France

sous cet angle-là. Je suis même allé à Tunis, là où il est né,

pour une cérémonie d’hommage : c’était très émouvant.

Vous semblez tout de même tracassée…

Je le suis. Je dois régler les problèmes de succession

pour valoriser l’œuvre de Georges : c’est compliqué

administrativement.

Le sentiez-vous en danger avant les attentats ?

Pas tellement. Il n’avait jamais dessiné Mahomet.

Mais nous avions été mis sous protection au moment

de “l’affaire des caricatures” en 2006 et puis ensuite, rien.

Il ne m’avait même pas dit que Charb était visé par une fatwa.

Il me protégeait. Si je l’avais su, je lui aurais demandé de

quitter Charlie Hebdo.

Mais vous saviez tout de même que Charlie Hebdo

était dans le collimateur des intrégristes ?

Oui. Mais ce sont des failles dans le système de sécurité à

Charlie Hebdo qui ont conduit à ce drame du 7 janvier.

D’ailleurs, je mène ma petite enquête de mon côté car

j’estime qu’il y a des zones d’ombre dans le déroulé

des faits.

L’attentat a été commis un jour où tout le monde ou

presque était réuni à la rédaction : ça n’arrive jamais mais là,

ils avaient prévu de partager une galette des rois et comme

par hasard l’attentat a eu lieu ce mercredi et ça n’est pas

anodin.

Aussi, j’ai noté beaucoup d’incohérences, de différences entre

les mesures de protection réelles à Charlie Hebdo et les

préconisations de la préfecture de police. Je voudrais aussi

savoir pourquoi l’acte de décès de mon mari a été signé

à 11 h 30 alors que les frères Kouachi sont arrivés à

Charlie Hebdo à 11 h 33.

J’ai plein de questions à poser au juge d’instruction dans

le cadre de ma contre-enquête.

Quel regard portez-vous sur les tensions actuelles

au sein de Charlie Hebdo ?

À Charlie Hebdo, il y a trois problèmes : l’insécurité,

les tensions au sein de la rédaction et l’utilisation de l’argent.

Car on ne sait pas comment vont être utilisés les

30 millions d’euros récoltés depuis les attentats ni comment

vont être répartis les 4,3 millions d’euros destinés aux familles

des victimes. Tout cela m’exaspère et me met en colère.

Sans cet attentat, sans ces morts, ce journal n’existerait

plus et certains l’oublient.

Depuis les attentats, vous avez mis votre carrière

d’écrivain entre parenthèses.

Quand pensez-vous pouvoir travailler à nouveau ?

Tout doucement, je recommence à écrire. Je participe à la

réédition d’un très beau livre de Georges

“Lettre ouverte à ma femme” qui était sorti en 1978 et

dont je fais la nouvelle préface. J’écris également sur

ce tragique 7 janvier 2015 et je mène donc ma

contre-enquête journalistique sur les conditions de

l’attentat à Charlie Hebdo. J’aide aussi à la réalisation

de films sur Georges, notamment pour des chaînes de

télévision allemandes.

Et à Briançon, ce 27 mai, vous allez dévoiler une

plaque au nom de Georges Wolinski dans la

cour du lycée qu’il a fréquenté…

Absolument. Georges avait toujours voulu m’emmener

à la montagne, surtout l’été. Mais je résistais. Et aujourd’hui

c’est moi qui m’y déplace de mon plein gré.

C’est une sacrée journée qui s’annonce.

Je vais devoir me reposer.

Vous avait-il parlé de sa jeunesse briançonnaise,

entre 1948 et 1953 ?

Oui, je connaissais ce pan de son histoire personnelle.

C’était une période importante pour ce petit garçon qui

venait d’un pays chaud, la Tunisie, et qui découvrait

le froid, la neige, la montagne. Il l’avait fantasmé, il le

découvrait.

A-t-il aimé ce qu’il a découvert ?

Je sais qu’il y a passé des bons moments. Je pense

qu’il a trouvé moins formidable, à l’époque, la conversion

de sa mère au catholicisme, son remariage et l’arrivée

d’une demi-sœur devenue ma belle-sœur par la suite et

qui sera là également le 27 mai. Mais il n’en parlait pas

trop, il était pudique.

C’est à Briançon qu’il a commencé à dessiner, à se

moquer de la société avec un coup de crayon déjà très

affirmé…

Oui, c’est un peu là qu’il a commencé sa carrière de dessinateur.

« J’ai plein de questions à poser au juge d’instruction dans le 
cadre de ma contre-enquête sur les attentats »

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