Perspectives pour 2012 et après

Entre les soucis de ceux qui luttent quotidiennement pour leur survie (au moins un milliard de personnes) et les tracas des autres qui sont préoccupés par leurs placements qui ne rapportent pas les 8 % annuels escomptés, pour prendre 2 extrêmes, il existe toute une palette d’inquiétudes plus ou moins justifiés que chacun porte, mais aussi une variété de joies et d’espoirs qui permettent d’équilibrer plus ou moins efficacement la balance du bien-être personnel.

Même si le vieux dicton « ventre affamé n’a pas d’oreilles » pourrait laisser penser que seuls les gens sans soucis ont la capacité de changer les choses, je me permets de penser, comme Henri Barbusse, que « L’avenir est dans les mains des esclaves » car dans les mains de ceux qui ont les richesses et le pouvoir, on est arrivé à la situation pré-chaotique que l’on connaît aujourd’hui.

Laisser l’avenir se décider par les décideurs, de façon fataliste, en pensant qu’une élection présidentielle par exemple pourrait changer les choses, c’est abandonner l’esprit d’activisme.
« On n’attend pas l’avenir comme on attend un train. L’avenir, on le fait » (G Bernanos)

Dans la liste des « faits marquants de l’année 2011″ que répertorie la presse, on trouve pêle-mêle la catastrophe de Fukushima, la mort de Ben-Laden, les événements dans le monde arabe, la crise financière en Grèce, mais ce qu’on ne trouve pas, ce sont les leçons que l’on peut tirer de tout cela… et cela n’est pas un hasard…

Il est moins dangereux de disséquer les objets de peurs que de mobiliser sur la perspective de changements. On trouvera partout des explications sur le « comment ceci s’est produit » plutôt que sur le pourquoi.
Il doit être convenu que le peuple n’a pas besoin d’analyses, il ne faut lui servir que les « faits », accompagnés de la sauce soporifique qui convient.

Il faudrait déjà que l’on commence à expliquer à quoi servent les guerres coloniales (y en a t’il qui ne sont pas « coloniales » ?), et surtout à qui elles profitent.

La « démocratisation » par les bombes qu’a connu la Libye en 2011 et que serait en train de subir actuellement la Syrie si la Chine et la Russie n’avaient pas mis leur veto histoire à l’ONU, n’a malheureusement plus rien de surprenant, après une histoire similaire en Irak.

Pétrole, avoirs bancaires, stratégie de reconquête régionale, message aux autres nations qui auraient l’idée saugrenue de ne pas se soumettre suffisamment aux chiens de garde de « l’ordre » mondial, publicité pour faire booster les commandes d’armement, toutes les raisons sont bonnes pour exterminer la population civile, les infrastructures détruites sciemment faisant l’objet de gros contrats au bénéfice des entreprises de béton qui sont comme par hasard du même côté que de là où sont parties les bombes.

Cela est le principe de la guerre: trouver ou fabriquer une bonne raison pour attaquer, en donnant l’impression que l’on est « obligés » d’y aller, détruire le pays et le peuple qui ne se soumet pas tout en faisant main-basse sur les ressources répertoriées à l’avance, et faire payer la facture au perdant en l’endettant pour des décennies.
Petite citation de Coluche en passant…

« La guerre de 14-18 avait fait un civil tué pour dix militaires. La guerre de 39-45, un civil pour un militaire. Le Viêt Nam, cent civils pour un militaire. Pour la prochaine, les militaires seront les seuls survivants. Engagez-vous ! »

Et celle d’un juriste étasunien au sujet de la 2ème guerre mondiale:
« Les banquiers américains ont prêté des sommes considérables à Hitler qui les a remboursées en pillant l’Europe. Ces mêmes banquiers ont continué à s’enrichir en accordant des emprunts pour la reconstruction l’Europe dévastée d’après guerre »

On parle beaucoup de crise financière et le « débat » va un peu dans tous les sens… Là aussi, on évite soigneusement de débattre du pourquoi, en insistant plutôt sur le « comment s’en sortir » qui consiste à écoper l’eau du navire que l’on a sciemment sabordé il y a plusieurs années de cela.
La loi dite « Pompidou-Rotschild » de 1973, qui a consisté à interdir à l’état d’emprunter à la banque centrale (à un taux 0 ou presque), a été généralisée au niveau européen par le traité de Maastricht, puis gravée dans le marbre par celui de Lisbonne. Seules les banques privées sont autorisées à prêter aux états. La dette pour la France en 1979 était de 239 milliards d’euros. Fin 2011 elle atteint 1688 milliards d’euros (wikipedia) ! Ainsi, entre 1980 et aujourd’hui, la dette a augmenté de 1400 milliards d’euros et le contribuable a payé sur une période de 20 ans plus de 1300 milliards d’euros d’intérêts qui sont allés dans les poches des banquiers et donc de leurs riches clients, particuliers et entreprises de la « France d’en haut ».

Avant toute discussion sur les financements des états européens, il faudrait commencer par autoriser la banque centrale européenne à prêter directement aux états, sans passer par l’intermédiaire ruineux des banques privées.

Ensuite, ces même banques privées devraient être contrôlées, puis nationalisées car on ne peut pas faire confiance aux banquiers qui non seulement font la pluie et le beau temps, mais en plus mettent en péril les nations par les mouvements spéculatifs débridés et leurs conséquences en chaîne comme l’a illustré la récente crise des sub-primes.

Les politiciens abonnés à la TV mettent en avant des objectifs de croissance qui, selon eux, est indispensable, en spéculant sur des 1,5 %, 2 % par an, puis réduisant leurs estimations. Ils devraient plutôt miser sur des perspectives de décroissance, seule option viable car « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste »

2012 et les prochaines années devront amorcer l’ère de la mobilisation citoyenne ou conduiront à une impasse.

L’écologie en tant qu’activité lucrative ne fera que retarder l’échéance, car ce sont pas moins que nos modes de vie qu’il faut revoir… en commençant à produire moins et mieux pour consommer avec raison et non pas par le besoin créé artificiellement par l’industrie publicitaire qui pèse 500 milliards d’euros par an, qui pourraient être investis autrement.

On pourrait se (re)mettre à faire du matériel « construit pour durer » pour reprendre un vieux slogan de marque d’électroménager.

Si l’on réduisait considérablement toute l’industrie automobile actuelle, avec arrêt de la production de nouveaux modèles et que l’on se mettait à entretenir le parc actuel, c’est-à-dire en fabriquant/reconditionnant/améliorant les pièces détachées, on maintiendrait l’emploi tout en économisant les matières premières.

Il faut penser à remplacer le mot « fabriquer » par « recycler » et on obtient là une des clés d’un nouveau développement pour tous.
Quand on voit les miracles qu’arrivent à faire les collectionneurs avec des véhicules en tous genres, on peut se dire que tout est une question de méthode et de volonté.

Si l’industrie s’est habituée à faire du jetable, elle est capable aussi de faire du fiable…

Dans le domaine aéronautique combien d’années font les avions avant d’être réformés ? Au minimum 20 ans… Met-on un zinc à la casse parce-qu’il a un moteur défectueux, ou parce-qu’il ne possède pas les gadgets récents ? Non, on le rééquipe et le perfectionne.

Si l’industrie automobile avait pour objectif principal la fiabilité et non la vente, alors tout serait pensé et organisé différemment, et cela ne voudrait pas dire pour autant que l’on devrait rouler en char d’assaut.

Dans le domaine du transport, une idée consisterait à faire prendre en charge par les entreprises les déplacements des salariés, ainsi, elles seraient incitées à organiser des systèmes internes de covoiturage ou de transport collectif à l’instar des cars de ramassage scolaire. On peut aussi envisager des primes pour les salariés s’organisant entre eux pour partager leurs véhicules. La semaine de 4 jours sans perte de salaire est aussi un moyen de réduire le volume de transport, et l’économie de carburant qui va avec.

Dans un autre domaine, et pas des moindres puisque cela concerne chacun et peut-être mis en pratique facilement dans l’immédiat, un geste éthiquement responsable consiste à diminuer la consommation de viande, celle-ci ayant quintuplé au niveau mondial entre 1950 et 2000. La surconsommation de viande confisque 70% des terres à usage agricole qui, directement ou indirectement, sont consacrées à l’élevage. 35,5% du volume des céréales produites dans le monde sert à nourrir les animaux d’élevage. Il faut 7 à 10 kg de végétaux pour faire 1 kg de viande de boeuf et 4,5 kg pour faire 1 kg de viande de porc. En plus de la famine occasionnée par l’exportation d’alimentation pour les animaux, confisquant les terres vivrières, la sur-consommation de viande est responsable de 20 % de l’effet de serre global et de l’émission de 37 % du méthane.

S’ajoute à cela le gaspillage de l’eau puisqu’il faut 5000 L d’eau pour produire 1000kcal d’aliments d’origine animale (c’est-à-dire 5000 litres d’eau pour obtenir 2 steaks de 150 grammes) contre 1000L pour l’équivalent de calories en aliments végétaux.

Diminuer la consommation de viande est donc non seulement bon pour la santé et le respect des animaux mais est aussi un geste important pour préserver la planète et combattre la sous-alimentation qui touche plus d’1 milliard de personnes.

Ces quelques exemples de mesures et une multitude d’autres possibles ne seront pas servis sur des plateaux, et surtout pas de la part de ceux qui contrôlent actuellement les manettes de l’économie et de l’industrie (automobile, pétrolière, agroalimentaire). Comme l’a dit Gandhi: « Vous devez être le changement que vous désirez voir en ce monde ».

Un état d’esprit dans le sens de l’initiative, la novation et de l’expérimentation au service de tous, de nos enfants et petits-enfants, est en soit une belle résolution pour 2012, une résolution indispensable, et sans doute une résolution plus enrichissante que les objectifs strictement personnels puisque « Celui qui dans ses entreprises cherche uniquement son intérêt propre excite beaucoup de mécontentement. »(confucius)

Bonne santé et bon projets…

Christophe Taulemesse

Alter Infos

Il est vrai que si on s’arrêtait un peu plus sur le « pourquoi » au lieu du « comment », les choses évolueraient p-e un plus vite.