Prenons l'habitude avant de nous forger une opinion d'étudier un tant soit peu le dossier.
Ce plaidoyer est long mais très complet et plein de bon sens à mon avis
Bonjour
Voilà un texte riche et lumineux qui balaye les faux-fuyants et qui peut aider à comprendre les vrais enjeux des décisions
Ce texte a été rédigé par Bertrand Vergely, philosophe normalien, professeur de Khâgne et à Sciences-po.
A diffuser très largement ou NON
Une de mes amies
Réflexions avant le projet de loi sur le mariage gay et ses conséquences
Le mariage gay ou la dictature de la confusion.
La question du mariage gay appelle dix remarques.
I) Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay.
L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a
des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même
sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais,
tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se
doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même
titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.
II) Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant
appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle
norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.
III) À l’origine, le mariage est une donnée naturelle. C’est ainsi, pour faire naître la vie un homme
et une femme s’unissent et procréent un enfant. En établissant le mariage comme institution, la
société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle afin de la protéger.
IV) Il s’avère qu’aujourd’hui le mariage, la filiation et la transmission ont changé de sens. La
procréation n’est plus l’unique sens du mariage, le mariage-sentiment ayant tendance à l’emporter
sur le mariage-procréation. De même, l’enfant n’a plus pour unique sens d’être le fruit de l’union
d’un couple, le désir d’enfant introduisant des demandes d’enfants de la part de personnes seules
ou des demandes d’adoption ou de procréation assistée de la part de couples stériles.
V) La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels
ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le
désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait
de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est.
Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève
désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de
toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser
sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une sœur son frère ou sa sœur, un frère sa
sœur ou son frère.
Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus
personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème
psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le
réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer.
Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père
et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va
littéralement exploser.
Enfin, l’interdit de l’inceste étant levé, c’est le sens même du devenir de l’être humain qui va être
atteint, le sens de cet interdit étant de rappeler aux êtres humains qu’ils sont faits pour devenir, en
épousant, non seulement un autre hors de sa famille mais aussi de son sexe et non pour
demeurer dans la même famille et le même sexe.
En ce sens, le législateur qui va devoir se prononcer sur le mariage homosexuel a de lourdes
responsabilités. S’il décide de faire du mariage une affaire de droit et de sentiment en dehors de
toute donnée naturelle, il introduira dans la cité la ruine possible de l’identité psychique, de la
famille ainsi que du devenir symbolique de l’être humain.
VI) Au-delà de cette question qui concerne tout le monde, les hétérosexuels comme les
homosexuels, la question du mariage gay pose un certain nombre de questions qu’il importe
d’examiner avec attention, la principale d’entre elle étant celle du même. Au nom de l’égalité et du
refus d’établir des discriminations, est-il possible d’établir une équivalence entre tous les couples ?
Trois éléments s’y opposent.
VII) En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective, on ne peut
pas mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant
pas la même chose que deux hommes et deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas
des couples homosexuels ni les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Établir une
équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre genre et
pratique.
Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est ungenre et pas une pratique, alors que
l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord
être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique
particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la
disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet
dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être
interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement
et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité
va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous
allons connaître un monde nouveau fondé surl’indifférenciation. Quand on sait que la différence
est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais
servir de principe pour guider l’humanité.
VIII) La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au
niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple
homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et
deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a
besoin de la femme et la femme de l’homme.
Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui
est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement
assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un
enfant mais la Nature.
Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un
enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et
n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple
hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème de stérilité. Lorsqu’un couple
homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pourcontourner une impossibilité. Le registre
symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant
dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine.
Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée
que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant
que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée
que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et
l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation
médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en
enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et
de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et
de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un
doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme
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n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à
quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le
« Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci
n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay,
l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une
réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et
de l’Homme.
IX) Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant
que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un
enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise
ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne,
mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère
porteuse ou les services d’un géniteur.
Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droità l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le
mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du
droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré
comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des
droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier , au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier.
( réifier: Transformer en chose, réduire à l'état d'objet (un individu, une chose abstraite). Synon. chosifier)
Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple
d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas
donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont
réclamer que la facture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et
de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où
son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ?
Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou
bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en
organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse
exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce
qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère
porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En
faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui
devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ?
X) Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de
l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères.
Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait
d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit
d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels
aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des
enfants comme les autres.
Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une
décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit
d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de
n’avoir soit pas de père, soit pas de mère.
À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements
de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine
réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas
simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la
propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus
respecté.
En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement
assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans
précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas
bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix.
Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi
d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui
l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de
père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une
humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau.
On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en
créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer
un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer
un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas.
Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne
jouons pas à être des apprentis sorciers.
Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre.
Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous
aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables
d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans
un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois
encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la
procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur.
Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas
particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du
mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop
de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des
intérêts fondamentaux de l’être humain.
La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de
ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain.
Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain
elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on
n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la
contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison.
Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas
raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de
pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à
l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler
de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot,
bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas
raisonnable.
Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion.
Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements,
n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en
rajouter ?
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