jeudi 13 juin 2013

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DOCUMENT11/06/2013 à 10h19

Les emplois imaginaires de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes

Sophie Caillat | Journaliste Rue89

Non, la compagnie Régional ne compte pas créer 200 emplois pour l’aéroport Notre-Dame-des-Landes ; une « erreur » s’est glissée dans le rapport remis au Premier ministre.

Dans un courrier, que Rue89 s’est procuré, la compagnie demande que soit rétablie la vérité des chiffres. En vain.
Le 9 avril, la « commission du dialogue », formée par Jean-Marc Ayrault dans le but de calmer les esprits sur le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, rendait son rapport [PDF]. Sa conclusion ? Cet aéroport reste utile « en raison de la saturation inévitable de la plateforme de Nantes–Atlantique », même si ses modalités de réalisation doivent être revues.
Une sorte de « oui mais » qui permet à toutes les parties d’être satisfaites, aux contestataires de continuer à occuper la « zone à défendre » sans craindre la police, et au gouvernement de gagner du temps pour ne pas perturber lesélections municipales.

Manifestation à Nantes contre le projet d’aéroport de NNDL, le 15 avril 2013 (SIPA)

Un gain à l’ouverture de 400 à 500 salariés

Parmi les arguments destinés à rendre désirable ce nouvel aéroport, la croissance économique espérée par le développement du trafic aérien et les emplois qui vont avec sont en première ligne. Les rapporteurs ont écouté les prévisions avancées par Vinci, titulaire de la concession, sans même s’en rendre compte.
Ainsi, page 52 du rapport, les trois auteurs écrivent :
« La croissance prévue du trafic lors de la mise en service de Notre-Dame-des-Landes pourrait entraîner la création de 200 à 300 emplois supplémentaires. »
De plus,
« L’installation d’une base de la compagnie Régional (filiale du groupe Air France) apporterait environ 200 emplois basés. »
Il y aurait donc « un gain total de 400 à 500 salariés à l’ouverture. »

Capture d’écran de la page 52 du rapport
Quand elle a pris connaissance de ce passage, le directrice générale de la compagnie Régionale, Martine Selezneff, est tombée des nues. Elle a pris sa plume et demandé au sous-préfet de Loire-Atlantique de supprimer ces informations erronées.

« De l’émoi chez nos collaborateurs »

VOIR LE DOCUMENT
Le courrier, que Rue89 publie, est ferme et sans ambiguïté. Par téléphone, la responsable de la communication de la compagnie estime que la création du nouvel aéroport signifierait simplement « le transfert d’activité d’un point A (Nantes-Atlantique) à un point B (Notre-Dame-des-Landes) ».
Et de préciser :
« Cette phrase a suscité de l’émoi chez nos collaborateurs, d’autant que nous sommes en plein plan de départs volontaires avec Transform 2015. Il n’est pas question de développer l’emploi et nous n’avons aucune idée d’où sortent ces chiffres. Nous espérons vivement que cette erreur sera corrigée. »
Régional est l’une des filiales d’Air France, installée à Nantes, et que la maison-mère vient de regrouper avec ses homologues au sein de HOP ! sa compagnie low cost, dans le cadre de la réorganisation de ses court et moyen courriers.
La commission du dialogue n’a pas donné suite à la demande de correction. Elle estime que « maintenant que le rapport est remis, il n’est pas possible de le reprendre ». L’erreur restera donc en ligne, en l’état, au risque de jeter le discrédit sur l’ensemble du rapport.

« Pas certaine de la validité des données »

D’où provient cette information erronée ? Claude Brévan, architecte de profession et l’une des trois auteurs, nous explique :
« Cette information vient directement d’un e-mail adressé par le directeur du projet chez Vinci, M. Delobel, à qui je demandais, lors de l’ultime phase de rédaction du rapport, des précisions sur le nombre d’emplois prévus. Il semble s’être trop avancé en affirmant comme arrêté ce qui n’était peut-être que des pourparlers préliminaires. »
Le directeur général de Vinci conteste avoir fourni cette information. « Nous ne pouvons nous engager à la place d’autres acteurs et n’avons pu transmettre ces données », font savoir ses services.
Sur un point aussi important donc, la commission n’a pas pris le soin de aller chercher ses informations à la source.
Claude Brévan ne semble pas très gênée par cette approximation, même si cela biaise nécessairement la conclusion. Elle se justifie :
« La commission ne saurait être absolument certaine de la validité des données qu’elle a tenté de clarifier. Nous ne disposions pour l’essentiel que des déclarations des uns et des autres et de documents d’archives que nous avons essayé d’exploiter le mieux et le plus honnêtement possible, dans la limite du temps et des capacités d’expertise dont nous disposions. »
Heureusement que l’avenir de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en projet depuis quarante ans, ne se joue pas uniquement sur l’avis de cette commission.
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