jeudi 19 septembre 2013

Où vont les banques ?


La Quotidienne d'Agora

Mercredi 18 septembre 2013
Quelques heures avant la fin du monde. 
Ou pas, d'ailleurs
Cécile Chevré


Les banques centrales savent-elles ce qu'elles font 
se demandait dans une précédenteQuotidienne 
Eberhardt Unger. Question toute rhétorique car, 
effectivement, elles n'ont aucune idée ni de la conduite 
à tenir, ni des conséquences à long terme de leur politique. 
Cependant, la question mérite d'être posée et reposée, 
cinq ans après la faillite de Lehman Brothers, et alors que l
es banquiers centraux sont présentés comme les remparts 
contre un effondrement systémique de l'économie mondiale.

Vous avez été nombreux à réagir à cet article et voici la 
réaction d'un lecteur auquel je vais accorder l'anonymat : 
"Oui, elles savent ce qu'elles font ! Leur objectif est de 
ruiner les Etats européens et d'installer une dictature à 
leur place avec des valets politiciens à leurs bottes ! 
Vous qui voyez loin, je suis surpris que vous n'ayez pas 
détecté leur manège !"

Cher lecteur, je ne suis pas sûre que l'on puisse vraiment 
m'accuser de complaisance envers les banques centrales, 
mais de là à les accuser de fomenter un complot anti-européen... 
il y a plusieurs pas que je me refuse absolument à franchir.

Que la Fed n'ait pas grand-chose à faire de ce qui se passe 
en Europe ou dans les pays émergents, ça je veux bien 
le croire. 
Qu'elle ne mesure pas les conséquences à long terme de sa 
politique, ça aussi. Que la politique de cette même Fed soit 
déjà en train de créer les bulles et les déséquilibres de 
demain, évidemment... mais l'établissement d'une dictature 
peu de chances --rassurez-vous -- de faire partie de ses 
projets. 
Tout d'abord parce que Bernanke et consorts sont bien trop
occupés à sauver le dollar et la dette américaine.

La dette, encore elle
Et c'est un sacré boulot. La dette publique américaine va à 

nouveau atteindre dans les jours qui viennent son plafond 
légal. 
Et, à nouveau, nous allons assister à des discussions 
musclées au Congrès sur les manières de réduire, ou pas, 
cet endettement. 
Discussions qui n'aboutiront à rien à part un blanc-seing 
pour le gouvernement américain qui va continuer à s'endetter.

La dette américaine va continuer à croître, voilà une 
certitude. 
Et c'est appréciable car en ce monde post-Lehman, 
elles sont bien rares.

La dette US augmente donc. Il lui faut donc plus 
d'acheteurs. 
Reste à savoir qui, car les acheteurs traditionnels de 
bons du Trésor ne semblent plus tellement motivés que cela par 
cette américaine qui fut un temps la panacée. Aux dernières 
nouvelles, ils en sont moins convaincus, comme le soulignait 
Simone Wapler dans sa Stratégie : "En avril et juin, les ventes 
nettes des détenteurs étrangers ont atteint un chiffre record, 
du jamais 
vu depuis... 1978, année depuis laquelle ces données sont 
disponibles. Avril avait déjà été un mois atroce. Juin est pire : 
plus de 40 milliards de dollars de délestage".

Si la tendance se poursuit, c'est mauvais très mauvais signe 
pour les Etats-Unis. Reste à attendre une confirmation car les 
ventes de juin peuvent être une sur-réaction aux premières 
annonces de la Fed quant au ralentissement du QE... 
Et si l'économie 
américaine parvient tant bien que mal à se remettre -- ne 
serait-ce que pour un temps -- sur les rails, les acheteurs 
étrangers devraient montrer moins de réticence devant la 
dette US.

Quoi qu'il en soit, les rendements américains sont jusqu'à présents 
restés sous contrôle grâce à une seule personne : Ben Bernanke. 
Et ses 85 milliards de dollars mensuels de rachats de bons du Trésor 
et d'actifs. Sans Bernanke, c'est la panique.

Nous en avons d'ailleurs eu un avant-goût depuis mai : fuite des 
liquidités des pays émergents, remontée des rendements obligataires 
et quelques séances de baisse sur les marchés actions.

Cependant, la nouvelle semble maintenant avoir été digérée par les 
marchés et si, ce soir, la Fed annonce bien une réduction de 10 à 
15 milliards de ses achats, les marchés ne devraient pas paniquer 
outre mesure. Après tout, la Fed continuera à acheter entre 75 et 
80 milliards de dollars chaque mois.

Changement de chef des opérations
Et ce d'autant plus que ce week-end est tombé une excellente 

nouvelle pour tous les accros à la liquidité, les drogués au 
quantitative easing : Larry Summers, un des principaux candidats 
à la succession de Ben Bernanke à la tête de la Fed vient de jeter 
l'éponge.

Car pour ne rien arranger, en pleine manoeuvre pour réduire son 
QE sans faire exploser les marchés, la Fed doit changer de 
commandant en chef. Le mandat de Bernanke arrive à son terme 
fin décembre prochain et, ces derniers mois, deux candidats s'étaient 
dégagés.

Larry Summers, dont la rumeur disait qu'il était le favori de Barack 
Obama, et dont les faits d'armes sont les suivants : avoir presque ruiné 
l'université d'Oxford, avoir été le ministre sous Clinton (l'administration 
qui a permis la dérégulation des activités des banques), avoir glissé 
dans une conversation que les femmes étaient naturellement moins douées 
que les hommes en mathématiques et être consultant pour nombre de 
banques d'affaires.

La rumeur toujours le disait critique quant à l'action de Bernanke et 
disposé à mettre fin aussi vite que possible au quantitative easing.

trait

INNOVATION : les "micro-usines de bureau" débarquent !
Selon notre spécialiste, cette révolution technologique a le potentiel 

de multiplier chaque euro investi par 1000 ! N'attendez pas pour 
entrer sur cette tendance : nos conseils ici...

trait

L'autre candidat est une candidate, Janet Yellen, vice-présidente de 
la Fed 
depuis 2010 et soutien inconditionnel à Bernanke et sa politique.

Le retrait de Summers laisse donc le champ libre à Yellen... ce qui 
laisse entrevoir une politique dans la continuité de celle de Bernanke.

Les marchés n'en font qu'à leur tête
Les commentateurs n'ont pas manqué d'insister sur cette nouvelle 

et son effet positif sur les marchés. Pas faux, certes, mais pas 
complètement vrai non plus.
Je crains que les marchés planent bien au-dessus de tout cela. Oui,
cet été, ils se sont laissés perturber par la perspective d'un
ralentissement du QE et celle de l'élection de Larry Summers mais,
depuis fin août, c'est l'apaisement qui a repris le dessus. L'évolution
du S&P 500 en est parfaite illustration.
Graphe du SP500
Impossible d'attribuer cette bouffée d'optimisme à la décision de 
Summers, celle-ci ne datant que du week-end dernier. La conclusion 
qui s'impose est que les marchés actions ne sont pour le moment 
pas décidés à baisser, et qu'ils se servent de la moindre nouvelle -- 
comme celle du retrait de Summers -- pour justifier leur position.

Depuis fin août d'ailleurs, les liquidités reviennent progressivement 
vers les marchés émergents et les rendements obligataires soufflent un peu.
Conférence Bourse
Qu'est-ce que cela 
signifie pour vous ?
Pour tout vous dire, tout 
ceci me donne un sentiment 
de malaise grandissant. 
Je préfère quand le comportement 
des marchés est plus "rationnel". 
Que les indices grimpent 
parce que l'économie se 
reprend, 
que les entreprises font des 
bénéfices, 
rien que de très normal. Mais 
quand ils prennent pour excuse 
le retrait d'un potentiel 
candidat à la Fed qui aurait 
tout aussi potentiellement 
mis fin au QE... hum... tout ceci ne me dit rien de bon.

La correction des marchés actions, nous sommes nombreux à l'attendre. 
Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle est inéluctable, mais presque. La plupart 
des indices mondiaux ont depuis plusieurs mois atteint leur sommet 
historique, il faudra bien qu'ils corrigent à un moment ou un autre.

L'annonce de la Fed semblait être le moment parfait mais ils semblent 
décidés à l'ignorer. Ce qui fait craindre un retournement d'autant plus violent. 
Un avis partagé par Mathieu Lebrun qui soulignait dans Agora Trading le 
niveau important du VIX, l'indice de la peur : "Sur les marchés, vu le niveau 
des indices US (S&P 500 autour des 1 705 points), je m'attendais à voir le 
VIX refluer nettement plus bas. 
Or, il ne baisse pas, et est même en légère hausse cet après-midi. Mouvement 
assez étrange vu l'actualité et la hausse des actifs à risque".

De quoi vous recommander à nouveau la plus grande prudence en ce qui 
concerne les actions. C'est le moment de faire un peu d'analyse technique 
et de vérifier que vos valeurs ne sont pas trop proches d'un important support 
(s'il était franchi à la baisse, le cours risque de dégringoler) ou encore de vendre 
celles qui ont évolué dans un mêmerange, sans réellement progresser depuis 
un an. 
C'est d'ailleurs ce que nous venons de faire dans Défis & Profits : un grand 
ménage en prévision d'un mouvement violent des marchés actions... dans 
quelques semaines ou quelques mois ? Mais sûrement pas demain soir. 
L'annonce de la Fed a de grandes chances de faire "pschitt !".

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